Épinard 🌳 #21 - Le rĂ©trofit, au secours du vĂ©hicule Ă©lectrique

04 juin 23

Hello les Épinards 👋

Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, on parle “voiture” dans Épinard 🌳 (j’allais Ă©crire “bagnole”, je me suis retenu).

On en parle pour la bonne cause : celle du transport bas carbone.
Avec un thĂšme qui sent l’huile moteur, la clĂ© Allen et les bidouillages de garage (et qui est trĂšs sĂ©rieux) : le rĂ©trofit.

Ce que tu vas apprendre aujourd’hui :

  • Comment le “rĂ©trofit” permet de transformer un vĂ©hicule thermique en vĂ©hicule Ă©lectrique
  • Pourquoi il va compter dans la transition vers un transport bas carbone en France
  • Comment tu peux financer le dĂ©veloppement du secteur et surveiller les opportunitĂ©s d’investissement

đŸŽ™ïž Mais avant de commencer, j’ai besoin de toi.

De plus en plus d’abonnĂ©s me sollicitent pour savoir comment placer leur Ă©pargne et investir de façon responsable. En prenant en compte leur situation perso et en alliant climat & rendement.
J’aimerais comprendre si c’est un souci partagĂ© par beaucoup d’entre vous et voir comment je peux aider lĂ -dessus.

Si tu te sens concernĂ© et que tu as 35 secondes (oui j’ai chronomĂ©trĂ©) pour rĂ©pondre Ă  3 questions, peux-tu le faire ici ? 👇

Allez, vroom 🏎 !
GaĂ«l 🌳


🚗 Le rĂ©trofit, c’est quoi ?

C’est la transformation d’un vĂ©hicule thermique en un vĂ©hicule Ă©lectrique.

MĂȘme s’il est peu connu, le principe est assez simple : on enlĂšve le moteur thermique et le rĂ©servoir d’un vĂ©hicule qui fonctionne au diesel ou Ă  l’essence et on le remplace par une batterie et des moteurs Ă©lectriques.

Le principe est simple mais l’exĂ©cution est un peu compliquĂ©e et demande plus qu’un savoir-faire de garagiste du dimanche - surtout si l’on veut s’assurer de performances fiables et stables dans le temps.

Aujourd’hui, le rĂ©trofit est rare ; c’est une opĂ©ration qui est souvent rĂ©alisĂ©e pour des voitures vintage, de collection.

Mais il monte en puissance ces derniĂšres annĂ©es, portĂ© par l’essor du vĂ©hicule Ă©lectrique (l’idĂ©e de rouler Ă  l’électrique fait moins peur, les infrastructures de recharge sont plus denses et efficaces) et par quelques boosts rĂ©glementaires dont on va parler un peu plus loin.

L’atelier du programme “Mini Recharged” Ă  Oxford, qui propose aux propriĂ©taires de Mini Classic de les convertir en Ă©lectrique - source: Mini

📈Économie : Pourquoi le rĂ©trofit peut dĂ©coller

La lutte contre le dĂ©rĂšglement climatique pousse Ă  l’électrification des vĂ©hicules

Le transport, c’est environ 30% des Ă©missions de gaz Ă  effet de serre en France. Et parmi ces Ă©missions, on en a Ă  peu prĂšs la moitiĂ© pour la voiture individuelle.

Aujourd’hui, il y a peu de signes d’une diminution de l’usage de la voiture et donc de la diminution de la consommation de carburants - mĂȘme si les moteurs sont plus efficaces qu’avant, on roule plus qu’il y a 30 ans. C’est un peu le paradoxe de Jevons : plus une technologie est efficace dans son utilisation de ressources, plus on l’utilise et plus on augmente parfois la consommation de ressources !

C’est ce qui fait que du point de vue climatique, la transition du parc automobile vers l’électrique est un impĂ©ratif. Et plutĂŽt Ă  court terme.

(Ça pose plein d'autres questions du point de vue de l’accĂšs aux mĂ©taux et Ă  certaines ressources rares, mais c’est moins l’objet de l’analyse ici)

Ce qui est certain, c’est que la France a un objectif de -55% d’émissions de gaz Ă  effet de serre en 2030 par rapport Ă  1990 et qu’on n’est pas spĂ©cialement en avance. On est aujourd’hui Ă  -25% environ, ce qui veut dire qu’il reste 8 ans pour faire la moitiĂ© restante du chemin.
Il sera impossible d'y arriver sans toucher à nos véhicules !

Les mesures antipollution en rajoutent une couche

Dans le mĂȘme temps, les zones Ă  faibles Ă©missions se gĂ©nĂ©ralisent (prĂšs de 50 sont prĂ©vues d’ici 2025), portĂ©es par des considĂ©rations de santĂ© publique et appuyĂ©es par les impĂ©ratifs de la transition.

Elles poussent les particuliers et professionnels Ă  s’équiper diffĂ©remment et Ă  troquer leurs vĂ©hicules les plus polluants pour des alternatives plus propres s’ils veulent continuer Ă  circuler librement.

L’électrification va se faire sous tension

Dans le mĂȘme temps, le cadre rĂ©glementaire se tend chez les constructeurs. L’interdiction de vente de vĂ©hicules thermiques neufs a Ă©tĂ© votĂ©e pour 2035 par la Commission EuropĂ©enne, et mĂȘme si la deadline venait Ă  s’allonger, 2035 ou 2040, ça reste demain.

Les constructeurs ont accĂ©lĂ©rĂ© leur production, gamme par gamme, mais il est probable que les cadences de production soient difficiles Ă  tenir pour produire assez de vĂ©hicules neufs Ă©lectriques. Certains experts estiment d’ailleurs que nous sommes dĂ©jĂ  dans une situation de dĂ©sĂ©quilibre offre/demande.

La majoritĂ© des vĂ©hicules n’ont pas besoin d’ĂȘtre remplacĂ©s

Ce qui semble dingue quand on parle â€œĂ©lectrification du parc automobile”, c’est qu’on parle tout de suite de remplacement intĂ©gral !
Un véhicule thermique à la casse = un véhicule neuf pour le suppléer.

On a 40 millions de vĂ©hicules aujourd’hui en France. Ils ont en moyenne 11 ans, et une voiture qui part Ă  la casse en a gĂ©nĂ©ralement 20.
Avec cette logique, électrifier notre parc automobile reviendrait à remplir nos casses de véhicules capables de rouler encore au moins 10 ans de plus.

Le rétrofit peut se faire à un coût compétitif.

L’ADEME s’est penchĂ©e sur le sujet car le cadre rĂ©glementaire venait de changer et ouvrait la porte Ă  un marchĂ© du rĂ©trofit (on en parle plus bas).

Dans une Ă©tude en 2021, “Conditions nĂ©cessaires Ă  un rĂ©trofit Ă©conome, sĂ»r et bĂ©nĂ©fique pour l’environnement”, l’Agence de la Transition Ecologique a estimĂ© l’impact financier de rĂ©trofitter une petite voiture, une fourgonnette, un camion ou un autobus.
Quand mĂȘme : c’est assez fou de voir la qualitĂ© de leur analyse sur un marchĂ© aussi naissant, aussi restreint.👍

L’agence avait analysĂ© pour cela le TCO (Total Cost of Ownership), qui est un indicateur complet prenant en compte l'ensemble des coĂ»ts (maintenance, assurance, carburant etc).

RĂ©sultat : le coĂ»t total par kilomĂštre du scĂ©nario “rĂ©trofit” Ă©tait toujours infĂ©rieur Ă  celui du scĂ©nario “je rachĂšte un vĂ©hicule Ă©lectrique neuf”, entre -5% et -15%.

Assez hallucinant alors que le marchĂ© n’a que quelques annĂ©es Ă  peine, et que les optimisations de coĂ»ts sont encore minimes !

(Un bĂ©mol pour les citadines : aujourd’hui, l’opĂ©ration n’est pas rentable, entre autres parce que les marges des constructeurs - et donc les coĂ»ts de remplacement pour les particuliers - sont plus faibles)

Alors, le rétrofit, ça coûte combien ?

La réponse est trÚs variable selon le type de véhicule, qui conditionne la puissance de la batterie. Quelques ordres de grandeur, en incluant la marge du rétrofitteur :

  • Une citadine (une Clio par ex.) : 20 000 - 25 000€ (proche du neuf)
  • Un fourgon Ă©quipĂ© (ex : Renault Master) : 35 000 - 45 000€ (vs. 55 000€ neuf)

Bref, ce n’est pas indĂ©cent de poser la question : Est-ce qu’on n’est pas en train d’organiser un Ă©norme gĂąchis ? Pourquoi changer tout le vĂ©hicule si on peut ne changer que le moteur ?

En tout cas, ça semble ĂȘtre une opportunitĂ© de rĂ©duire les coĂ»ts du passage Ă  l’électrique.

🌍Climat : Le “rĂ©trofit” bonne idĂ©e ou greenwashing?

La rĂ©ponse courte, c’est non !

Quand on questionne les gains environnementaux du rĂ©trofit, on est bien servi par l’étude de l’ADEME de 2021 (toujours la mĂȘme !).

Pour 4 catĂ©gories (les voitures citadines, les fourgons, les poids lourds et les autobus), ils ont simulĂ© 3 hypothĂšses en imaginant que le vĂ©hicule avait 10 ans et qu’il lui en restait autant Ă  vivre :

  1. Le statut quo : On garde le vĂ©hicule en l’état et il roule encore 10 ans au diesel
  2. Le rachat : On envoie le véhicule à la casse et on le remplace par son équivalent électrique
  3. Le rétrofit : On garde le véhicule et on le transforme en électrique

Résultat des courses : les gains environnementaux sont énormes comparés au remplacement par un véhicule électrique neuf :

  • -37% pour les poids lourds et autobus (qui roulent beaucoup)
  • -47% pour les citadines
  • 56% pour les fourgons.

Ils sont encore plus Ă©normes si on compare au maintien du diesel (ou de l’essence, ça n’aurait pas changĂ© grand-chose) ; mais c’est une comparaison qui a peut-ĂȘtre moins de sens si on s’accorde sur le fait qu’il va falloir Ă©lectrifier le parc et que le maintien de millions de vĂ©hicules diesel roulant 10 000km par an n’est pas une hyper bonne idĂ©e.

Les gains sont certainement encore plus massifs si on intĂšgre le fait que la durĂ©e de vie du vĂ©hicule pourrait ĂȘtre Ă©tendue (option que l’ADEME n’a pas retenue dans son Ă©tude).

đŸ€”Le dĂ©collage, on y croit ?

Prometteur économiquement, efficace du point de vue climatique, le rétrofit va-t-il décoller ?

Ce qui est certain, c’est que les barriùres se lùvent (et elles se lùvent plutît vite) :

  • La barriĂšre rĂ©glementaire d’abord : avant 2020, il fallait que chaque vĂ©hicule rĂ©trofittĂ© soit homologuĂ© individuellement aprĂšs de longues dĂ©marches - un enfer. DĂ©sormais, les acteurs peuvent obtenir des homologations pour un modĂšle de vĂ©hicule (c’est le cas de TOLV par exemple, avec son kit homologuĂ© pour le Renault Traffic, une premiĂšre pour un utilitaire en France). Cela permet de passer Ă  l’échelle, et ça change tout.
  • La barriĂšre de la confidentialitĂ© ensuite : en 2022, Bruno Le Maire est venu donner un coup de projecteur en annonçant un soutien gouvernemental de 20 millions d’euros pour aider la filiĂšre Ă  passer Ă  l’échelle. Le montant est faible, mais le secteur est petit et c’est plus le signe politique qui importe.
©Caroline Thermoz-Liaudy

Tout n’est pas rose pour le “rĂ©trofit” pour autant :

  • Les procĂ©dures d’homologation restent lourdes : c’était d’ailleurs un point soulevĂ© par l’ADEME en conclusion de son Ă©tude il y a 2 ans. En consĂ©quence, encore peu d'entreprises ont rĂ©ussi.
  • Les acteurs restent des jeunes entreprises avec peu d’expĂ©rience dans le passage Ă  l’échelle industrielle - mĂȘme si parfois, elles ont des partenaires.
    Or, le dĂ©ploiement massif du rĂ©trofit passera par une capacitĂ© Ă  baisser le coĂ»t unitaire. L’enjeu : ĂȘtre compĂ©titif par rapport au maintien de l’essence ou du diesel pour des vĂ©hicules roulant 10 000km par an.

Cependant, il est rare de voir autant de fondamentaux climatiques et Ă©conomiques se rejoindre lorsqu’on analyse un marchĂ©, et c’est plutĂŽt excitant !

đŸ’”Peut-on investir dans le rĂ©trofit ?

Le rĂ©trofit est un marchĂ© naissant, encore assez confidentiel. Autant vous dire qu’il n’y a pas d’ETF spĂ©cialisĂ© ou de “fonds RĂ©trofit” chez Amundi ! (J’ai cherchĂ© quand mĂȘme, on ne sait jamais 😅).

Pour investir en tant que particulier, il faut attendre des opportunitĂ©s auprĂšs de certaines start-ups du secteur : achat d’actions, d’obligations (des crĂ©ances auprĂšs de l’entreprise) ou d’obligations convertibles (un intermĂ©diaire entre les deux) .

Cela peut se faire en guettant les opportunités sur les plateformes de crowdfunding, ou en suivant les entreprises directement sur Linkedin.

Je vous propose en quelques unes ici :

  • Rev Mobilities - qui regroupe 3 pĂŽles : voitures anciennes, utilitaires et autobus/camions
  • TOLV - qui s’intĂ©resse aux utilitaires exclusivement
  • Lormauto - qui fait partie des rares Ă  s’intĂ©resser aux citadines

[Spoiler] L’une d’entre elles, TOLV, est en cours de (prĂ©)levĂ©e de fonds sur Lita.co et fera l’objet d’une analyse dĂ©diĂ©e dans le “Coup de 💚 Epinard” la semaine prochaine - accessible Ă  tous les abonnĂ©s Epinard Premium. 🌳

Stay tuned!

PS : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici. Elles sont rangées par grand thÚme pour que tu puisses t'y retrouver facilement.

👋
GaĂ«l 🌳